samedi, mars 6

Le but est dans le présent

D'abord une vidéo superbe, la première sur le web sur Salim Michael




Extrait de son livre Pratique spirituelle et Eveil intérieur

Bien que, dans une voie spirituelle, il soit souvent nécessaire de parler d’un but à atteindre pour tenter, inadéquatement, d’expliquer l’inexplicable, un chercheur sérieux doit toutefois se rappeler que, en ce qui concerne ses pratiques spirituelles, le but se situe toujours dans le présent.

On peut, d’une certaine manière, dire que, une fois qu’il s’est engagé sur le Sentier, il ne peut s’agir pour lui de toucher un jour un but final et qu’ensuite tout s’arrêterait là — comme il en est des choses ordinaires ou des activités de ce monde —, car cela signifierait que le but serait une “fin” dans une sorte de mort éternelle et qu’après il n’y aurait plus rien !

Dans un travail spirituel, le but et le présent sont, en réalité, indissociables ; pour l’aspirant, chaque instant doit devenir le but, sinon, il risque de se donner toutes sortes de justifications, de rêver d’un but situé dans un futur éloigné et, entre-temps, de n’effectuer, sans en avoir conscience, qu’une pratique spirituelle tiède qui n’aboutirait à rien.

Lorsqu’il n’y a pas de renouvellement continuel dans le travail spirituel du chercheur, la stagnation s’installe, et sa pratique devient pareille à l’eau d’une flaque qui croupit dans une rivière à sec. Chaque instant doit être nouveau pour lui.

Afin d'être davantage aidé dans son cheminement spirituel, il lui faut garder à l’esprit que le but est toujours dans l’instant présent. S’il comprend réellement cela, il accomplira ses pratiques de méditation et ses divers exercices de concentration sans jamais se préoccuper des résultats.

Le but se répète chaque fois que ce mouvement de retour vers soi-même ou d’introversion particulière se produit en l’aspirant, même si ce n’est que pour un court instant. C’est le niveau de son être ainsi que l’intensité de cet état de présence en lui qui déterminent le niveau du but atteint.

D’une certaine manière, il ne peut y avoir de fin pour le but, mais une sorte d’étrange pèlerinage ou d’aventure toujours renouvelée.

Si le chercheur souhaite ne pas fausser son approche de cette quête inhabituelle, il lui faut sans cesse se rappeler que le but est un renouvellement perpétuel, toujours dans le présent, et non un état spécial qu’il pourrait gagner dans le futur et dans lequel il s’installerait à jamais.

Edouard Salim Michael - Pratique spirituelle et Eveil intérieur p. 151-152

samedi, janvier 16

Le chemin de la sagesse


Le but de cette discipline est de donner à un chercheur l’habitude d’appliquer la pénétration qui lui est advenue comme résultat des disciplines précédentes.

Quand on se lève, qu’on se tient debout, qu’on marche, qu’on fait quelque chose, qu’on s’arrête, on doit constamment concentrer son esprit sur l’acte et sur son exécution, et non sur ses propres rapports avec l’acte, ou son caractère ou sa valeur.

Il faut se dire : il y a l’acte de marcher, de s’arrêter, de prendre conscience, et non : je marche, je fais ceci, c’est une bonne chose, c’est désagréable, j’acquiers du mérite, c’est moi qui me rend compte à quel point c’est merveilleux.

C’est de là que viennent les pensées errantes, les sentiments de joie, d’échec ou de malheur. Au lieu de tout cela, il faut simplement pratiquer la concentration de l’esprit sur l’acte lui-même, en comprenant qu’il est un moyen expédient d’atteindre à la tranquillité d’esprit, à la prise de conscience, à la pénétration et à la Sagesse ; et il faut suivre cette pratique dans la foi, la pleine volonté et la joie.


Après une longue pratique, l’asservissement aux vieilles habitudes s’affaiblit et disparaît, et à sa place, apparaissent la confiance, la satisfaction, la vigilance et la tranquillité.


Que se propose d’accomplir ce Chemin de la Sagesse ?


Il y a trois classes de conditions qui nous empêchent de nous avancer le long du sentier de l’Illumination.

Il y a d’abord les attraits provenant des sens, des conditions extérieures et de l’esprit discriminateur.

En second lieu, il y a les conditions intérieures de l’esprit, ses pensées, ses désirs et son humeur.
Tous ces obstacles, les pratiques précédentes (éthiques et mortificatoires) ont pour but de les éliminer.
Dans la troisième classe des obstacles se rangent les incitations instinctives et fondamentales de l’individu (donc les plus insidieuses et persistantes) : la volonté de vivre et de jouir, la volonté de chérir sa personnalité, la volonté de se multiplier, qui donnent naissance à l’avidité et à la cupidité, à la peur et à la colère, à l’engouement, à l’orgueil et à l’égotisme.


La pratique du Paramita de la Sagesse a pour but de maitriser et d’éliminer ces obstacles fondamentaux et instinctifs.
Par ce moyen, l’esprit devient peu à peu plus clair, plus lumineux, plus paisible. La connaissance devient plus pénétrante, la foi s’approfondit et s’élargit jusqu’à ce qu’elles se fondent dans l’inconcevable Samadhi de la Pure Essence de l’Esprit.

À mesure que l’on poursuit la pratique du chemin de la Sagesse, on cède de moins en moins à des pensées de réconfort et de désolation ; la foi devient plus sûre, plus persuasive, plus bienfaisante, et plus joyeuse ; et la peur de la régression disparaît.


Mais ne croyez pas que la consommation finale s’atteigne aisément ni rapidement. Bien des naissances nouvelles pourront être nécessaires.
Tant que persistent les doutes, l’incroyance, les calomnies, la mauvaise conduite, les empêchements du karma, les faiblesses de la foi, l’orgueil, l’indolence et l’agitation mentale, tant que s’en attardent même les ombres, on ne peut atteindre au Samadhi des Bouddhas.

Mais celui qui est parvenu au Samadhi le plus élevé, ou Connaissance Unitive, sera en mesure de prendre conscience, avec tous les Bouddhas, de la parfaite unité de toutes choses sentantes avec le Dharmakaya de l’état de Bouddha.

Dans le pur Dharmakaya, il n’y a point de dualisme, ni d’ombre de différenciation. Tous les êtres sentants, si seulement ils pouvaient s’en rendre compte, sont déjà dans le Nirvana. La pure Essence de l’Esprit, c’est le Samadhi le plus élevé, c’est l’Anuttara-samyak-sambhodi, c’est la Prajana Paramita, c’est la Sagesse Parfaite la plus élevée.
Ashvaghosha

samedi, décembre 19

Ici est la place et la Voie est partout




Si vous trouvez votre place là où vous êtes, vous actualisez le point fondamental.

Si vous découvrez la Voie, en cet instant même, vous actualisez le point fondamental.

La place, la Voie ne sont ni larges ni étroites, elles n’appartiennent ni à vous ni aux autres.

La place, la Voie n’existaient pas auparavant, elles ne surgissent que maintenant.

Ainsi dans la pratique-réalisation de la Voie du Bouddha, rencontrant un Dharma, on le pénètre entièrement, rencontrant la pratique, on la met en œuvre complètement.

Ici est la place et la Voie est partout.

Nous ne pouvons distinguer la limite de la réalisation, car la réalisation s’étend avec notre pénétration du Dharma du Bouddha.

Ne pensez pas qu’atteindre cette place puisse être objet de connaissance, être saisi par la conscience.

Bien que la réalisation soit immédiatement manifeste ; l’être intime ne se manifeste pas forcément.

Sa manifestation dépasse notre entendement.
Dogen
Genjo Koan 11 et 12

lundi, octobre 5

Un maintenant continuel

















Ordinairement, l’être humain ne vit jamais dans le présent ; il est emporté par un incessant flux intérieur vers un avenir dont il lui est impossible d’entrevoir la fin. Il passe son existence entière dans un état de “devenir” perpétuel et ne peut, par conséquent, connaître le sentiment d’un “présent continuel” en lui. Il vit toujours dans l’anticipation inconsciente de “tout-à-l’heure.” Mais ce “tout-à-l’heure” ne vient jamais, car il est, d’instant en instant, en train de se transformer en un autre “tout-à-l’heure.” Ainsi, à peine le “tout-à-l’heure” attendu est-il sur le point d'arriver qu’il est déjà devenu un nouveau “tout-à-l’heure” — et ce, sans répit.

De cette manière, l’Eternité, qui constitue l’héritage Céleste qui lui destiné, (et qu’il ne peut connaître en lui sans en payer le prix) lui échappe sans cesse.
Cet Aspect Suprême de sa nature ne peut être appréhendé que dans un “maintenant continuel” (qu’il doit créer en lui) et non dans le temps qui passe.

La création de “maintenant” en l’aspirant est d’une importance capitale pour ce qu’il cherche à connaître en lui ; or, cet état ne peut être atteint automatiquement, il lui faut le créer délibérément. Toutes les pratiques de concentration qu’il tente d’effectuer ont précisément pour but de le ramener à lui-même et de le maintenir dans le présent.

Il découvrira, petit à petit, que le sentiment de “soi” est toujours lié au “maintenant.” Chaque fois qu’après avoir été perdu dans ses pensées brumeuses, il se produit en lui une mystérieuse reprise de conscience, s’il est assez avisé, il ne peut manquer de remarquer que cette reprise de conscience se traduit par un retour à lui-même dans le “présent.”
Et le “présent” est la clé qui le libère de ses entraves du passé et du futur, lui indiquant, par là même, la route vers sa Cité Céleste.

L’aspirant a besoin de moyens permettant la création en lui du sentiment de “maintenant.” La manière dont il regarde, écoute, bouge, pense, etc. doit changer pour qu’il lui soit possible de se sentir dans le “présent.”

Il constatera que, lorsqu’il devient conscient de regarder quelque chose, un subtil mouvement vers lui-même se produit. Et quand il recommence à regarder de manière vague (comme il le fait d’habitude), un mouvement inverse a lieu, c’est-à-dire, un mouvement vers l’extérieur,... et il est également emporté vers le dehors, avec son regard ! Le même phénomène se produit en lui à son insu quand il écoute quelque chose.

Le fait même de devenir conscient de son regard, de ses gestes, ou de ses actes, peut créer en l’aspirant la sensation de “maintenant” — la sensation d’un “présent” qui est non seulement libératrice mais qui constitue également le seul moyen lui permettant de rejoindre d’autres dimensions (non spatio-temporelles) pour commencer à vivre et à se sentir hors du temps.

Si le chercheur ne parvient pas à saisir la signification profonde de ce retour à lui-même après avoir été perdu dans son absence et ses rêveries coutumières, il sera toujours happé hors de lui-même et emporté, à son insu, par le mouvement étourdissant du temps qui ne connaît pas le présent.

Etre avalé par le mouvement incessant du temps est souffrance ! Le moment éphémère que l’on croit être le présent et qui ne cesse de se transformer en passé ne permet pas à l’être humain de goûter un instant de répit, nécessaire pour l’aider à découvrir l’Immuable en lui.

Toute pratique de méditation constitue en vérité pour l’aspirant un entraînement à vivre dans un présent éternel où la mort ne peut plus l’atteindre ni toucher son Etre ; car Etre et Eternité forment, mystérieusement, une seule et inséparable Unité.

Edouard Salim Michael (les Fruits du chemin de l'Eveil)


vendredi, octobre 2

Nirvana et Samsara
















Que le Nirvana et le Samsara soient une seule et même chose, c’est là un fait touchant la nature de l’Univers ; c’est un fait dont ne peuvent se rendre compte pleinement et que ne peuvent éprouver par expérience directe que les âmes fort avancées en spiritualité. Que des gens ordinaires, convenables et non régénérés, acceptent cette vérité par ouï-dire, c’est simplement pour eux aller au devant d’un désastre…

La nature et la grâce, le Samsara et le Nirvana, la mort perpétuelle et l’éternité ne sont réellement et par expérience une même chose que pour les personnes qui ont rempli certaines conditions.
Les Evangiles sont parfaitement nets quant au processus par lequel seul un être humain peut gagner le droit de vivre dans le monde comme s’il y était chez lui : il faut qu’il fasse un renoncement total au moi, qu’il se soumette à une mortification complète et absolue…

L’histoire n’a pas gardé trace que quiconque soit jamais parvenu à la sainteté ni à l’illumination qui ne se soit, dès le début, conduit comme si l’évanescent et l’éternité, la nature et la grâce, étaient profondément différents et, par bien des côtés, incompatibles.
Le chemin de la spiritualité est une arête de couteau entre deux abîmes…

Il faut qu’il y ait conversion, soudaine ou non, non pas simplement du cœur, mais également des sens et de l’esprit qui perçoit. C’est dans les descriptions hindoues et extreme-orientales de la Philosophia Perennis que ce sujet est le plus systématiquement traité.
Ce qui est prescrit, c’est « une révulsion » plus ou moins soudaine et complète de la conscience, et la venue à la connaissance d’un état de « non-esprit » qu’on peut décrire comme la libération d’avec l’attachement perceptuel au principe du moi.

Pour y parvenir, il faut marcher délicatement et, pour s’y maintenir, il faut apprendre à unir la vigilance la plus intense à une passivité calme et négatrice du moi — la détermination la plus indomptable à une soumission parfaite aux directives de l’esprit.

« Si un œil ne s’endort jamais,
tous les rêves cesseront d’eux-mêmes ;
si l’Esprit garde son absolu,
les dix mille choses seront d’une seule substance. »
(le Troisième Patriarche du Zen)

Aldous Huxley la Philosophie éternelle

mercredi, septembre 30

La méditation sur le Vide














Un état absolu de quiétude mentale, accompagnée d’énergie et d’un pouvoir pénétrant d’analyse, d’un mental clair et investigateur sont les conditions indispensables ; comme les échelons inférieurs d’une échelle, ils sont absolument nécessaires pour parvenir plus haut.

Mais dans le procédé de méditation sur ce stade de tranquillité mentale (Shi-nay), en concentrant l’esprit, soit sur des formes, soit en pratiquant la méditation sans formes, l’esprit doit premièrement se pénétrer de compassion, remettant entièrement le résultat de ses efforts en l’Universelle Bonté.

Secondement, le but de ses aspirations doit être parfaitement clair et défini en s’élevant dans les régions de la pensée transcendantale.

Finalement, il faut prier mentalement et désirer bénir tous les autres d’une manière si sincère que cet acte mental aussi s’élève dans la pensée pure. Ceci, je crois, est le plus élevé de tous les Sentiers.

Comme le simple nom d’un aliment ne peut satisfaire l’appétit d’une personne affamée et qu’elle doit, pour être satisfaite, goûter à cette nourriture, ainsi un homme qui désire s’initier à la doctrine du Vide doit méditer sur elle en la réalisant, et non pas simplement en apprenant sa définition.

De plus, pour atteindre la connaissance de l’état de supra-conscience (Lhag-Tong), l’on doit pratiquer et s’habituer à un entrainement de la répétition des pratiques ci-dessus.

En conclusion, l’habitude de la contemplation du Vide, de l’Equilibre, de l’Indescriptible et de l’Inconnaissable constitue les quatre différents stades des quatre degrés de l’Initiation conduisant au But Ultime.

Milarepa (Vie de Jetsun Milarepa Ed. Adrien Maisonneuve)


lundi, septembre 7

Le temps et l'Eternité














( Extraits de la Philosophie éternelle – Aldous Huxley)



L’Univers est une succession perpétuelle d’événements ; mais son fondement d’après la Philosophia Perennis est le présent, vide de temps, de l’Esprit Divin.

« Puisque Dieu a toujours un état éternel et présent, Sa connaissance qui surpasse les notions du temps, reste dans la simplicité de Sa Présence et, embrassant l’infini de ce qui est passé et à venir, considère toutes choses comme si elles étaient en train d’être accomplies (Boece) »

Le moment présent est la seule ouverture par laquelle l’âme puisse quitter le temps pour passer dans l’éternité, par laquelle la grâce puisse quitter l’éternité pour passer dans l’âme.
Voilà pourquoi le soufi, et avec lui, tous les autres interprètes pratiquants de la Philosophia Perennis sont, ou tâchent d’être dans le temps présent.

« Le passé et l’avenir voilent Dieu à notre vue ;
Consume les tous les deux avec le fer.
Combien de temps seras-tu cloisonné par ces segments, comme un roseau ?
Tant qu’un roseau est cloisonné, il ne reçoit pas de secrets,
Et n’est pas sonore en réponse à la lèvre et au souffle. »
Djalal-eddine Roumi

« Le temps est ce qui empêche la lumière de nous parvenir. Il n’y a pas de plus grand obstacle à l’encontre de Dieu que le temps. Et non seulement le temps, mais les choses temporelles, non seulement les choses temporelles, mais les affections temporelles ; non seulement les affections temporelles, mais la teinte et l’odeur même du temps. » (Maitre Eckhart)